Un communiqué de presse laconique du STIF, des tableaux récapitulatifs pas très clairs, des informations discordantes ou incomplètes... Il ne m'en fallait pas plus pour me pencher sur le forfait Navigo toutes zones dont la mise en place est effective depuis le 1er septembre 2015. Cela devient d'ailleurs une habitude : lorsqu'un service public annonce un "cadeau", il faut avouer que cela présage rarement de quelque chose de bon, en particulier lorsque les politiques s'en mêlent à grands renforts d'annonces triomphantes (en particulier de la part du PS et d'EELV). Le passe Navigo à tarif unique, qui porte en réalité mal son nom, tant les cas particuliers sont nombreux, en est un bon exemple.

Un long projet de simplification et d'augmentation des tarifs

Il a d'abord fallu opérer à une simplification des zones de tarification. Ainsi en juillet 2007, les zones 6, 7 et 8 ont été fusionnées en une seule zone 6. Puis en juillet 2011, les zones 5 et 6 étaient fusionnées en une seule zone 5. Toutes ces suppressions étaient d'ailleurs revendiquées par le groupe communiste du Conseil régional d’Ile-de-France. Enfin, le dézonage des forfaits Navigo (mois et année) et des forfaits Solidarité Transport (mois) étaient effectifs pendant les week-ends et jours fériés à compter de septembre 2012, de mi-juillet à mi-août en 2013 et pendant les vacances scolaires à compter d'avril 2014.

Parallèlement, difficile d'oublier que les tarifs augmentent chaque année. Par exemple, le forfait Navigo mensuel 1-2 a augmenté de 35,9% en dix ans et de 4,3% entre janvier 2014 et janvier 2015. Cette augmentation s'explique en partie par l'augmentation de la TVA Transport qui est passée de 5,5% à 7% en janvier 2012 puis de 7% à 10% en janvier 2014.

Revenons au dézonage : jusqu'au 1er septembre 2015, les forfaits existant couvraient toutes les combinaisons d'au moins deux zones possible, c'est à dire 1-2, 1-3, 1-4, 1-5, 2-3, 2-4, 2-5, 3-4, 3-5, 4-5. Désormais, les combinaisons sont uniquement au nombre de quatre : 1-5, 2-3, 3-4, 4-5.

Nouveaux tarifs et zonages : les bonnes nouvelles

Ainsi, depuis septembre 2015, certains usagers franciliens peuvent profiter d'un réseau plus vaste, pour un coût moindre ou équivalent.

C'est par exemple le cas des collégiens, lycéens ou étudiants disposant d'un forfait Navigo ImagineR à l'année. Les conséquences sont assez simples à résumer : ceux qui disposaient d'un ancien forfait couvrant au moins 3 zones vont pouvoir profiter d'une baisse de tarif (entre -26,4 et -119,7%) et d'un dézonage complet, tandis que ceux qui disposaient d'un ancien forfait couvrant 2 zones profiteront d'un dézonage complet pour un tarif inchangé.

De plus, ce qu'on ne sait pas forcément, c'est que les scolaires ont eu chaud : en effet, dans un premier temps, le conseil d'administration du STIF avait voté l'entrée en vigueur du passe Navigo à tarif unique mais seulement à destination des ImagineR étudiants. Après mobilisation du Front de Gauche, des organisations lycéennes et des parents d'élève en juin 2015, les scolaires obtenaient les mêmes promesses que les étudiants.

Passons aux usagers disposant d'un forfait Navigo "classique" ou solidarité, au mois et à la semaine. Ceux disposant d'un ancien forfait couvrant 3 ou 4 zones profiteront d'une baisse de tarif (entre -8,9 et -66,6% pour le Navigo "classique", entre -8,5 et -66,3% pour le Navigo solidarité) et d'un dézonage complet. Par ailleurs, le tarif reste inchangé pour les anciens forfaits 1-5 et les anciens forfaits couvrant 2 zones. Il y a une nuance, néanmoins : les anciens forfaits 1-2 disposeront désormais d'un dézonage complet, tandis que le zonage reste inchangé pour les forfaits 2-3, 3-4 et 4-5.

Nouveaux tarifs et zonages : les mauvaises nouvelles

Intéressons nous enfin aux usagers possédant un Navigo classique à l'année. S'ils possèdent un ancien forfait couvrant au moins 3 zones, alors ils profiteront des baisses de tarif (entre -3,3 et -56,4% c'est à dire les baisses les moins importantes de la grille globale). En revanche, ceux disposant d'un ancien forfait couvrant 2 zones subiront une augmentation de tarif (entre +4,9 et +5,5%). Les possesseurs d'un ancien forfait 1-2 auront désormais un forfait dézoné, ce qui ne sera pas le cas de ceux possédant un ancien forfait 2-3, 3-4 et 4-5.

L'autre mauvaise nouvelle est que les usagers possédant un Navigo classique 2-3, 3-4 et 4-5 devraient subir une augmentation de tarif en 2016. C'est en tout cas ce qu'affirme le site Capital.fr qui détiendrait cette information en provenance du service de presse du STIF. C'est également ce que semble évoquer, en substance, le blog de Jennifer, responsable de la relation client Ligne L, sans être véritablement explicite.

Si les possesseurs d'abonnement Navigo "classique" (semaine, mois, année) ou Navigo solidarité (semaine, mois) couvrant les zones 2-3, 3-4, 4-5 souhaitaient passer à un forfait dézoné, ils devraient assumer une augmentation supplémentaire oscillant entre +6,6 et +13,4%. Il ne fait aucun doute que cette disposition devrait inciter une frange non négligeable des usagers à abandonner leur ancien forfait 2 zones pour un forfait dézoné.

Le financement du passe Navigo à tarif unique par les usagers et le Versement Transport

Contrairement à ce qu'affirme le STIF dans son communiqué de presse, le dézonage ne serait donc pas uniquement financé par la Région Ile-de-France et le supplément de recette du Versement Transport (pour rappel, le Code du Travail oblige les entreprises à prendre en charge une part des titres d'abonnement de leurs salariés, pris pour les déplacements entre le logement et le lieu de travail). Il le serait également par les usagers utilisant un ancien forfait Navigo classique à l'année couvrant 2 zones (1-2, 2-3, 3-4, 4-5).

Les chiffres du STIF indiquent qu'en février 2013, le Navigo annuel était adopté par 961000 usagers. Par ailleurs, le STIF indique que le passe Navigo annuel 1-2 est détenu par 33% des usagers et le passe Navigo annuel 2 zones (banlieue à banlieue) est détenu par 7% des usagers. On peut donc en déduire que la part du financement assumée par les usagers sera d'au moins 14,4 millions d'euros par an.

Logiquement, une partie de ce financement assuré par les usagers devrait être pris en charge par les entreprises dans le cadre du Versement Transport. Pourtant, ce dernier a été à l'origine de quelques cafouillages politiques. Tandis que le Front de Gauche se félicitait de l'adoption par les députés d'une hausse de 0,13 point du Versement Transport, rapportant 220 millions d'euros et permettant aux entreprises d'économiser 80 millions d'euros sur le remboursement des abonnements de leurs salariés, le Premier Ministre relevait le seuil de salarié du Versement Transport. Ainsi, ce n'était plus les entreprises de plus de 9 salariés qui étaient concernées par la mesure, mais celles comptant au moins 11 salariés, amputant les recettes d'au moins 50 millions d'euros.