L'intelligence collective au service de Mappiness pour mesurer le bonheur

Le sujet peut d'abord prêter à sourire. Il n'en est pas moins très sérieux et concerne même des enjeux politiques de développement économique : comment peut-on mesurer le Bonheur National Brut ? Bien que posée en ces termes simples, la question reste néanmoins complexe. Imaginé comme un indice complémentaire au Produit Intérieur Brut et à l'Indice de Développement Humain, la croissance du BNB passerait entre autre chose par la promotion de la culture, la croissance économique ou la sauvegarde de l'environnement.

Or, cette bonne idée se heurte à un fait tout simple : le bonheur n'est pas quantifiable. Ainsi, bien qu'on soit en mesure d'inventorier des facteurs de bonheur, il reste extrêmement compliqué d'en tirer un indice synthétique objectif et équilibré, c'est à dire capable de refléter le ressenti réel de la société. Les développeurs de Facebook avaient entrepris une première expérience sur la base de la tonalité positive ou négative des statuts postés sur le réseau social.

Mappiness souhaite mesurer l'hédonisme en Grande Bretagne

Conscients de ces limitations, des universitaires du département "Géographie et Environnement" de la London School of Economics & Politics Science ont créé Mappiness, une expérience en ligne dont l'objectif (comme le laisse entendre l'intitulé du projet) est de cartographier le bonheur en Grande Bretagne. Les deux concepteurs sont en effet convaincus que le bonheur est lié au contexte environnemental et plus particulièrement à des facteurs de pollution de l'air, de bruit et d'espaces verts. Le moyen adopté pour concrétiser ce projet est une application iPhone. Malheureusement, vous l'aurez compris : ce projet n'est réservé qu'au territoire du Royaume Uni.

Après avoir fourni quelques informations statistiques de base, vous êtes sollicités une à cinq fois par jour (selon vos paramètres préalablement configurés). Cela prend quelques secondes à peine : il faut indiquer si vous êtes accompagnés, dans quel type de lieu vous vous trouvez et bien entendu, si vous êtes heureux. L'application se charge de relever votre situation géographique, l'intensité du bruit ambiant et d'envoyer une photo si vous acceptez d'en prendre une. Naturellement, tout ceci est certifié anonyme, confidentiel et sécurisé.

Mappiness profite des bienfaits de l'intelligence collective

Les utilisateurs de l'application peuvent naturellement suivre l'évolution de leur propre coefficient de bonheur au fil des réponses apportées aux multiples sollicitations. Les résultats sont également consultables à l'échelle du projet tout entier. Assez précis, l'indicateur est recalculé toutes les heures, en fonction de la localisation géographique et du niveau de bonheur (sur une échelle de 1 à 5). Tout ceci repose sur le principe d'intelligence collective, puisque les résultats observés résultent en définitive de la consolidation de plus de 3 millions de mesures réalisées par près de 50000 participants au projet.

La rubrique "Maps" propose une carte répartissant géographiquement les différents degrés de bonheur. Première constatation, il apparaît clairement que le bonheur est souvent plus intense dans le pays que dans la capitale. Pourtant, si les "hedonimeters" (présentés dans la rubrique "Meters") confirment bien cette tendance, ils révèlent néanmoins en soirée un bonheur souvent plus élevé à Londres que dans le reste du pays. Bien qu'il soit probable que le niveau de bonheur instantané soit directement lié à des évènements intimes (décès, naissances, mariages etc...) ou à des émotions partagées (défaites, victoires d'une équipe de football), les conclusions de l'expérience permettent de tirer d'autres enseignements.

Mappiness permet d'identifier des sources de bonheur objectives

Souvent triviaux, les enseignements de l'expérience Mappiness permettent néanmoins de confirmer des tendances habituellement difficiles à quantifier. En février 2011, lorsque George MacKerron présente le projet à l'occasion de TEDxBrighton, il déroule la liste des facteurs influençant potentiellement l'indice de bonheur : il évoque en particulier le type d'habitat, les conditions climatiques, l'environnement social et l'activité. Comme on peut s'en douter, les week-ends enregistrent un meilleur "score de bonheur" que le reste de la semaine.

Par ailleurs, à l'aide d'un histogramme, il démonte le mythe du "Blue Monday" : depuis une campagne publicitaire menée en 2005, les britanniques entretiennent en effet cette légende que le jour le plus déprimant de l'année serait le lundi de la dernière semaine complète de janvier. Enfin, on a la confirmation que parmi les occupations en extérieur, ce sont les activités sportives qui contribuent le plus au bonheur, et que dans le contexte environnemental, ce sont les montagnes, les côtes maritimes et les forêts les plus corrélés à la notion de bonheur.