Toutes les affirmations fausses de PC INpact sur le sondage HADOPI

C'est fait. Ma participation à l'élaboration du sondage commandité par HADOPI a été rendue publique. Je souhaiterais donc vous rassurez sur deux points. Le premier, c'est que je reste convaincu que l'HADOPI n'est pas une bonne solution au problème. Mais en tant que consultant statistique indépendant, j'ai trouvé l'opportunité intéressante et, au final, l'expérience très gratifiante (je reviendrais plus longuement sur mon rôle et ma mission dans un article consacré). Le second, c'est que je vais tacher de ne pas vous assommer d'une suite sans fin d'articles évoquant HADOPI.

Par ailleurs, vous constaterez en lisant ce billet que je me garde de me prononcer sur l'aspect politique du sujet. Cela ne faisant pas parti de mes compétences et attributions, je me contente d'observer les commentaires sur les aspects d'analyse et de méthodologie. Et déjà, il y a tant à dire... Certains magazines se sont montrés d'une arrogance totale dans l'évocation du sondage dans leurs pages. Or, cela me parut d'autant plus malvenu, que l'analyse se révélait très souvent incomplète, voire fausse, et reposant sur des interprétation pour le moins douteuses.

Aussi, puisque PC INpact ne s'est pas gêné pour remettre en cause la qualité de mon travail, je ne vais pas hésiter à remettre en cause la qualité du leur en évoquant dix points sur lesquels PCI oscille entre mauvaise foi et désinformation.

Logo HADOPI

PC INpact avance que les chiffres du sondage HADOPI sont magiques : PCI s'est-il intéressé à la méthodologie avant de sous-entendre (à plusieurs reprises) que le sondage est bidon ? Je suis d'autant plus facile à contacter que j'ai posté nombre de commentaires sur PCI (en me présentant) et que mon identité ainsi que mon site sont clairement identifiés dans le rapport. Si la volonté était de faire un papier de qualité, objectif et éclairé, en discuter aurait pu éliminer quelques malentendus.

PC INpact évoque l'existence d'un échantillon réalisé en Juillet et qui aurait été inclus à l'enquête dont nous sommes en train de parler. Sauf qu'en fait, absolument pas. De toute évidence, ce qui a été lu n'a pas été compris : le rapport indiquait (en page 4) que la part des internautes dans la population française se situe entre 67% (selon une étude IPSOS Média réalisée en Octobre) et 70% (selon une étude Médiamétrie réalisée en Juillet).

PC INpact affirme que le "CSA n'a rien à voir avec le net"... Voici ce que précise le site du CSA : "Le CSA a des compétences sur les programmes de télévision ou de radio diffusés par Internet". Pour moi, ce n'est pas tout à fait la définition du "rien à voir". À noter que visiblement, à l'issue de l'enquête, 2% des internautes semblaient savoir que le CSA joue un rôle dans la régulation d'Internet, et ce, sans que l'organisme ne leur soit suggéré dans les réponses (page 13).

PC INpact affirme que les questions du sondage ratisse large. Dans leur logique, le sondage n'aurait du aborder que des problématiques concernant très directement (et exclusivement) HADOPI. Interdiction donc d'évoquer autre chose que la musique et l'audiovisuel ? En réalité, le propos du sondage était de mesurer l'ampleur du téléchargement illégal, dans sa globalité, et je ne vois décidément pas ce que ça a d'illégitime.

PC INpact pense qu'un (seul) sondage permet de mesurer quelque chose dans le temps. Est-il nécessaire de rappeler qu'un sondage est un instantané de l'opinion ? Or, l'HADOPI a pour intention de faire de ce sondage un baromètre. La migration du P2P vers le streaming (quoique peu probable, c'est vraisemblablement vers le direct download que se passe la migration), entre autre chose, pourra alors être mesurée. le cas échéant il y avait bien une question "depuis combien de temps téléchargez vous illégalement" qu'il sera toujours intéressant de croiser avec le moyen de téléchargement lorsque le baromètre sera mis en place.

Logo PC INpact

PC INpact affirme que l'étude "montre que l'illicite pousse à la consommation de biens". L'interprétation est inexacte. Même s'il s'agit d'une idée à laquelle je crois fermement, le sondage ne saurait "prouver" cela. Tout au plus, il montre la concommitance : les internautes qui consomment illicitement sont ceux qui consomment le plus de biens licitement. C'est le B.A.-BA de l'analyse de sondage : corrélation n'est pas causalité.

PC INpact affirme que l'étude est présentée comme un bilan, alors qu'il s'agit d'un état des lieux. Par ailleurs, au cours de la conférence de presse, il a été précisé à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'une étape 0, présageant prochainement d'un baromètre emboitant le pas.

PC INpact affirme que "la Hadopi a mis en lumière qu’un français sur deux (49%) s’adonnait au piratage". Devant un tel raccourci, la désinformation s'organise dans les commentaires d'articles : ce titre malheureux valut d'ailleurs à l'enquête d'être qualifiée d'escroquerie intellectuelle. Sauf qu'évidemment, il s'agit de 49% d'internautes français. Je soupçonne quelques lecteurs de PCI de ne lire que les titres et sous-titres des articles. Au passage, je pensais que les débats de 2009 à l'Assemblée Nationale nous avaient servi de leçon et que les termes de "piratage", "pirate", "piraterie" étaient largement proscrits... En ce qui concerne la synthèse, vous pouvez vérifier : cette terminologie n'y apparaît pas.

PC INpact affirme qu'il y aurait un lien entre "les sites pas faciles à utiliser" et le flop de la carte musique jeune... Vous non plus vous ne voyez pas le rapport ?

PC INpact conclut un de ces articles en sortant, non sans cynisme, cette phrase du rapport d'analyse : "l’Hadopi débute son action dans un contexte ouvert". PCI oublie de préciser la raison essentielle pour laquelle HADOPI parle d'un contexte ouvert : sur bon nombre de questions (page 21 à 28), entre un quart et plus d'un tiers des internautes interrogés disent ne pas savoir quoi penser de l'action de la Haute Autorité ("ni d'accord, ni pas d'accord", "sans opinion"...). Quand cette population se sera forgée une opinion, alors une majorité se dessinera en faveur ou en opposition de l'HADOPI. De fait, le contexte est véritablement ouvert.


Devant un tel florilège d'erreurs en tout genre, je ne saurais donc trop conseiller de lire les news de PC INpact avec des pincettes, leur impartialité étant toute relative. Alors certes, le magazine se défend d'avoir fait d'HADOPI son business model (quoique, ce ne serait pas compliqué de prouver qu'il repose en grande partie sur cette actualité). Mais avec l'avènement de ce sondage, le tour de passe passe se révèle plutôt grossier : on tord les résultats de l'enquête, on déforme les analyses, on transforme la méthodologie pour mieux tout faire entrer dans le moule de l'idéologie HADOPI telle que seul PCI la décrit et la dénonce.