Facebook comme thermomètre des tendances sociales ?

Peu de sites peuvent aujourd'hui se targuer d'être un miroir des tendances sociales. Idéalement, pour cela, le site se doit d'être un moteur de recherche incontournable ou un réseau social éminent. C'est mécanique : pour mesurer une tendance à grande échelle, il faut avant tout de très nombreux utilisateurs et qu'ils aient la possibilité de s'exprimer.

Un point de vue, une préoccupation, une mode, un goût : multipliés par plusieurs centaines de millions d'internautes, il devient possible de mesurer n'importe quelle aspiration collective. Tout cela, Google et Facebook l'ont évidemment bien compris.

Et bien sûr, ils s'en servent. Google exploite les données anonymes des internautes en déclinant une armada d'outils (Google Insights for Search, Google Trends et sa version "for website", Google Zeitgeist, Google Flu Trends etc...) et obtient des résultats d'une précision stupéfiante. Fort de ses plus de 500 millions de membres, Facebook est lui aussi capable de mesurer les grandes tendances sociales de la vie de tous les jours.

Le Bonheur National Brut (BNB)

Le projet du Bonheur National Brut vise à mettre en évidence les fluctuations d'humeur des utilisateurs du réseau social. Totalisant aujourd'hui plus de trois années d'historique, l'outil récupère toutes les mises à jour de statuts Facebook, puis évalue le niveau de bien être de la communauté à partir de la signification des mots utilisés en les regroupant dans deux grands ensembles : les statuts positifs ("positivité") et les statuts négatifs ("négativité").

Les évènements significativement positifs pour les utilisateurs américains de Facebook sont vraisemblablement liés aux fêtes (Halloween, Thanksgiving, Noël etc...) ou au Superbowl, seule compétition sportive se démarquant sur le graphique. Les évènements négatifs ne sont pas indiqués explicitement mais peuvent se déduire : les 22 janvier 2008 (mort de Heath Ledger) et 25 juin 2009 (mort de Michaël Jackson et Farrah Fawcett), on constate une augmentation de la "négativité".

Ce type d'outil rappelle une technique d'analyse qualitative de TNS SOFRES : la SémioMétrie. Son principe est de recueillir la charge affective (positive ou négative), suscitée par 210 mots de la langue française, auprès d'un panel d'individus, et notés de -3 (très désagréable) à +3 (très agréable). La technique permet de mesurer la sensibilité des individus en fonction d'une situation ou vis à vis d'une marque. Cela revient à analyser des logiques subjectives en partant du postulat que les mots sont investis "affectivement" par les individus.

L'analyse de la situation amoureuse

Cet autre projet était récemment évoqué dans une discussion TED intitulée "The beauty of data vizualisations" (à 6:20) : un certain David McCandless a analysé le statut marital d'une dizaine de milliers de comptes Facebook pendant toute une année. L'objectif était de savoir s'il se dessinerait une "saisonnalité" ou, tout au plus, une périodicité des ruptures en fonction d'évènements notables de la vie de tous les jours.

L'analyse des résultats permet de dégager un certain nombre d'échéances semblant provoquer une augmentation du nombre de séparations, comme : les Lundi, l'entame de l’Été, le premier Avril, et surtout les quelques semaines précédant le Spring Break ou précédant les vacances de Noël. En revanche, le point le plus bas de rupture dans l'année est sans conteste le jour de Noël.

Si cette étude a de quoi faire sourire (voire carrément rire aux éclats si j'en crois le public de TED), elle montre toute la puissance des (très) grandes bases de données, l'efficience des réseaux sociaux pour ce type d'exercice et la pertinence des résultats.

Voici ce que donne Google Insights for Search sur les multiples requêtes mêlant "divorce", "séparation" et "rupture" entre Avril et Juin 2010 :

Sur chacune de ces requêtes, on constate un sommet hebdomadaire du nombre de recherches sur la journée du Lundi (7 juin, 14 juin, 21 juin, 28 juin etc...), et en particulier sur les requêtes faisant intervenir la notion de "divorce(s)".

Qu'il s'agisse du PIB ("Produit Intérieur Brut") ou de l'IDH ("Indice du Développement Humain"), la pertinence des indicateurs économiques internationaux semble de moins en moins faire l'unanimité. Ainsi, dans les années à venir, il est probable que les réseaux sociaux et les moteurs de recherche renforceront leur statut de thermomètre des tendances sociales acquis très récemment. De la même manière que des organismes de santé comme Sentinelles font désormais appel aux bases de données de Google, on peut s'attendre à ce que d'autres pouvoirs publics soient eux aussi tentés d'exploiter les données accumulées à grande échelle via les réseaux sociaux.